Discours drapeau par Ronald Selbonne pour l’ANG

Discours drapeau (Port-Louis le 27 mai 2023) (version longue et complète du discours) Ronald Selbonne pour l’ANG

Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2021, le drapeau Rouge-Jaune-Vert a été hissé sur le mât de la préfecture de la Guadeloupe à Basse-Terre en lieu et place du drapeau français. Alexandre Rochatte, alors préfet de Région, en dénonçant ce crime de lèse-Bleu-Blanc-Rouge, avait traité notre drapeau d’« emblème communautariste ». Cette remarque idiote du représentant des vrais communautaristes faisait semblant de ne pas voir qu’il n’y a en Guadeloupe qu’un seul danger communautaire, celui de la minorité française arborant sa consanguinité ethno-social dans des ghettos monocolores, des zones blanches, des réseaux blancs excluant le guadeloupéen, et le condamnant, sans terre, sans logement, sans travail, à l’exil.

Merci donc à la municipalité de Port-Louis d’avoir répondu concrètement et politiquement à l’insulte préfectorale.

L’ANG, dès sa renaissance en juillet 2020, a adopté le drapeau proposé par l’UPLG. C’est le point 13 de notre charte constitutive. Pour les régionales de 2021, le programme de la liste NOU que l’ANG a initiée affirmait notre volonté de substituer au logo de la Région ce drapeau, et d’en faire le véritable emblème de la Guadeloupe en l’officialisant.

Notre position repose sur un double constat. D’abord, celui évident de l’appropriation de ces couleurs par un très grand nombre de guadeloupéens, en particulier par la jeunesse de notre pays. Deuxième constat, la nation pour se construire a besoin de la combinaison de deux domaines : le domaine matériel (conditions sociales, économiques) et le domaine immatériel (éléments culturels, cultuels et symboliques). La conscience nationale surgit quand le matériel et l’immatériel s’harmonisent dans un projet historique et politique. C’est la raison pour laquelle, nous ne devons pas ignorer l’aspect symbolique dans notre combat pour l’émancipation. Considérer que ce combat se gagne uniquement avec des symboles est une erreur, mais considérer, aussi, que notre projet d’émancipation peut se passer de symboles est une autre erreur. Nous devons prendre le pouvoir économique, politique, foncier, tout en ne négligeant pas les éléments immatériels. Le drapeau est certes un objet concret mais il renvoie à un symbole, à une idée de la Nation.

Quand nous observons la popularité de ce drapeau chez les jeunes, nous devons nous réjouir. Au lieu de leur envoyer à la figure des remarques du style : « Wè, mé yo pa konnèt istwa a drapo-lasa… yo ka itilizé nenpòt jan on drapo ki fèt avè san a militan… yo ka mété drapo-la san konsyans politik… », nous devons nous interroger sur leur choix. Pourquoi ne se sont-ils pas appropriés un drapeau Bleu-Blanc-Rouge ou Blanc-Rouge-Bleu ou Rouge-Blanc-Bleu ou l’une quelconque des combinaisons possibles du tricolorisme assimilationniste ? La réponse est simple : parce qu’ils ressentent de manière diffuse, voire confuse qu’ils sont différents. Et, donc, l’expression symbolique de cette singularité ressentie ne peut être qu’une expression singulière c’est-à-dire un drapeau singulier, différent de celui de la France.

Les organisations politiques, les élus, les organisations syndicales, les associations culturelles, les chanteurs, les artistes, les intellectuels, les ligues sportives ont la responsabilité et le pouvoir de transformer cette affirmation de l’identité guadeloupéenne en conscience nationale.

Dans les années 1970, les linguistes créolistes (surtout Jean Bernabé) cherchant une manière d’écrire les langues créoles, avaient retenu le principe de la « déviance maximale » ou de « l’écart maximal », c’est-à-dire, en raccourci, que la graphie du Créole devait se distinguer au maximum de celle du Français. Avec le drapeau, notre jeunesse a choisi l’écart maximal entre le symbole guadeloupéen et le symbole français. C’est un principe à encourager et à conforter. Nous disons donc à notre jeunesse : emparez-vous du Rouge-Jaune-Vert, faites-en des draps, des vêtements, des bikinis, des caleçons, des chaussures, des casquettes, des serviettes. Soyez dans l’écart maximal avec les couleurs françaises !

Certains ont dit que Jean-Marie Hubert hissait le drapeau guadeloupéen sur « un bâtiment colonial ». Soit ! mais j’ai beau chercher, je n’ai trouvé en Guadeloupe que des « bâtiments coloniaux ». Le CHU, les immeubles de Pôle Emploi, les écoles, les casernes des pompiers sont aussi des « bâtiments coloniaux » puisque nous sommes dans une situation coloniale. Qu’est-ce qui ne serait pas « colonial » dans une colonie ? On se demande si ces « vertueux » et « radicaux » anticolonialistes préfèreraient éteindre le feu qui se propageraient dans leurs maisons avec des kwi au lieu d’appeler les pompiers « coloniaux » ; si, en cas de cambriolages, ils mèneraient eux-mêmes l’enquête avec des loupes achetées chez « le chinois » et procéderaient aux arrestations avec des boutou et des kokomakak, au lieu de déposer plainte à la police « coloniale » ou à la gendarmerie « coloniale ». Une mairie n’est pas plus coloniale que les systèmes de santé, de sécurité sociale, d’assurance, de justice … auxquels ils participent allègrement, en ayant, parfois des élus dans certaines de ces instances coloniales. En réalité, seuls l’oxygène, le soleil et le vent ne sont pas des éléments coloniaux !

Ceux-là mêmes disent encore, ils ne sont pas à un illogisme près, qu’on va hisser le drapeau guadeloupéen aux cotés des drapeaux français et européen. À un moment, il faut essayer de ne pas trop vous contredire : on ne peut ne dire en même temps que ce n’est pas le drapeau guadeloupéen et s’offusquer qu’il soit avec d’autres drapeaux. Quand on écrit des déclarations sous hallucinogènes pseudo-révolutionnaires, on n’est pas à l’abri de … délires ! Parce que la réalité est bien plus simple : ce n’est ni par la volonté de Jean-Marie Hubert ni par celle de l’ANG que les drapeaux français et européen flottent sur notre Terre, il n’y a qu’un seul responsable et c’est …le peuple guadeloupéen ! C’est le peuple guadeloupéen qui valide notre appartenance à la France et à l’Europe. Tout autre constat n’est que de l’illusion et du verbiage de « nègres-marrons » à cartes Vitale et mutuelles d’habitation, incapables de construire un seul bâtiment-marron !

L’ANG appelle d’ores et déjà d’autres maires à suivre l’exemple de Port-Louis, et demande à Ary Chalus et Guy Losbar d’officialiser le drapeau proposé par l’UPLG, afin d’offrir un cadre juridique aux maires.

L’ANG appelle l’ensemble des organisations politiques, des élus, des associations, des ligues sportives de se rassembler afin de décréter une journée du drapeau guadeloupéen pour que tous les bâtiments publics et privés arborent, avec fierté, notre Rouge-Jaune-Vert.

Pour conclure, je voudrais parodier un poème de Sonny Rupaire dans lequel il célèbre un autre élément important de notre Nation en construction « Tanbou (pou Jéra Lokèl) », Sonny qui fut l’un des premiers porteur de notre drapeau :

« An sav jou a’w pa lwen :

Ou ka filé lang a’w pou lapèldéchanpyon,

Ou ka paré tout mo a’w pou choubloulé kè a moun,

Pou fè zyé an-nou plen dlo,

Pou nou anrajé,

Pou nou lévé tout-ansanm,

Maré ren an-nou séré

É désidé-nou a rantré o konba !

Anbenn, ou ka véyé lè a’w :

Lè moun péyi an-nou dèpi [Pòlui] jis Vyéfò,

Dèpi Marigalant jis Dézirad,

Ké wouparèt nèf, pòtré a on timoun ki sòti fèt,

Ki sòti an vant a lalit. Ha, [Drapodibrèz]!

Drapo Gwadloup!

Fout ou jenn lè lidé-lasa vini an lèspri a’w ! »

Nou ka konstwi Gwadloup, apa yenki avè drapo mé avè drapo osi !

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L’Alyans Nasyonal Gwadloup est un mouvement politique ET citoyen, regroupant à la fois des autonomistes et des indépendantistes, tous unis sous la bannière du nationalisme.

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