« Disons n’y a lieu à suivre contre quiconque des faits de crime d’empoisonnement;
Disons n’y a lieu à suivre contre quiconque des faits d’administration de substances nuisibles;
Disons n’y a lieu à suivre contre quiconque des faits de risques causés à autrui;
Disons n’y a lieu à suivre contre quiconque des faits de faits de tromperie sur les qualités
substantielles et les risques inhérents à l’utilisation des marchandises;
Disons n’y a lieu à suivre contre quiconque de ces chefs… »
Un non lieu pour un crime de masse: ou vwèy, ou pa vwèy
Après 17 ans de procédure, des centaines de pièces et de témoignages, les preuves du crime qu’on peut difficilement mettre en doute, c’est par ces mots que les juges ont rendu une
ordonnance de non-lieu le 2 janvier 2023. Ces quelques phrases sonnent avec une violence certaine pour les Guadeloupéens et Martiniquais, puisque les personnes, organisations qui ont demandées et accordé ces dérogations sont connues. La justice par une application littérale des textes et en prenant son temps les épargne. Ce déni de justice fait légitimement se lever le vent de la colère. Une colère sourde qui menace d’exploser.
Peut-être alors la raison politique émergera.
Nou péké rété la ka gadé sa, ni pèp annou nil é politik
Néanmoins, cette décision sonne aussi comme un électrochoc. Si cette procédure menée aujourd’hui essentiellement par des citoyens n’aboutit pas … que se passera-t-il ? Pour l’ANG, le combat ne peut reposer que sur la bonne volonté de citoyens, de bénévoles, d’avocats souvent bénévoles. La question des indemnisations, des réparations mais aussi de l’endiguement de cette pollution de masse est éminemment politique. Elle engage de fait la responsabilité de l’État, car auteur de la décision de prorogation de l’utilisation sur nos sol de la molécule déjà interdite ailleurs.
I pa té bon pou yo mé ié té bon pou nou.
Mais elle engage aussi nos responsables politiques de tous niveaux. Nous constatons que jusqu’ici ils ont été pour e moins timorés face à l’Etat français, mais peut-être que l’électrochoc les atteint aujourd’hui.
Pour l’ANG, il nous semble nécessaire et urgent que les responsables de chaque collectivité, mairie, députés et sénateurs puissent agir sans attendre que la Justice se prononce, que l’ARS
produise sa prochaine campagne de communication.
Sacraliser le processus de réparation pour les victimes et de réhabilitation de la nature
Ainsi, après 4 plans Chlordécone dont la majorité du budget s’attache à des opérations de communication souvent culpabilisantes et désastreuses pour les petits producteurs locaux, il reste
beaucoup à faire : des études épidémiologiques d’envergure, des opérations de dépollution, l’indemnisation des victimes, des programmes de soutien aux enfants souffrants de troubles cognitifs, des couples souffrant de baisses de fertilité.
Mais déjà des opérations immédiatement opérantes doivent être mises en oeuvre, telles que :
- La fourniture en charbon actif pour le traitement de l’eau….
Il est en effet inconcevable que les guadeloupéens par leurs collectivités paient un surcoût (le charbon coute très cher et dure moins longtemps qu’en France) pour une pollution dont sont responsables, l’État d’une part, les commanditaires et les producteurs de Chlordécone de l’autre.
Ces opérations doivent être intégralement prises en charge par l’État.
- La mise en place et le financement de filières de dépollution
Depuis une dizaine d’année des chercheurs guadeloupéens ont produit des études prometteuses sans qu’aucune politique ambitieuse ne prenne ces questions à bras le corps.
- La sanctuarisation des terres agricoles non « chlordeconnées »
La Guadeloupe a pu, grâce aux mobilisations paysanne des années 1970, organiser une répartition des terres plus juste, et conserver une partie.
La préservation des terres non polluées à destination des activités agricoles doit devenir une priorité.
- La reconnaissance définitive et inaliénable de toutes les victimes
Pour ce faire, elle doit être figées dans la loi, à l’instar de la Loi Morin relative à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires française dans le Sahara algérien et en Polynésie française.
- L’adoption d’une législation protégeant les populations des écocides
Elle devra est une priorité afin qu’aucun vide juridique ou délai de prescription ne puissent épargner des responsables de ce type de crime.
A ces fins, l’Alyans Nasyonal Gwadloup a participé activement à la création du LYANNAJ POU DÉPOLIYÉ GWADLOUP afin qu’un front voit le jour sur cet empoisonnement qui dure depuis 50
ans maintenant et pour de nombreuses décennies encore.
Seule la mobilisation conjointe des citoyens, des forces sociales, des partis politiques et des élus pourra contraindre l’Etat à véritablement prendre ses responsabilités dans ce dossier.